Paris (75), France đ«đ·
Ce matin, jâai reçu un nouveau message par ma page contact. Jâen suis restĂ© bouche bĂ©e car il venait de trĂšs loin. LâexpĂ©diteur, Yaki, Ă©tait mon tout premier ami et voisin dâenfance en IsraĂ«l. Nos parents Ă©taient des survivants de lâholocauste, amis et voisins. Leurs portes Ă©taient face Ă face et toujours ouvertes. Il mâa cherchĂ© sur Internet, car il semble que le jeudi qui vient il y a une rĂ©union avec ceux qui ont habitĂ© dans la mĂȘme rue que moi. âșïžÂ
Ceux qui ont habitĂ© Ă lâĂ©poque de mon enfance dans cette rue, dans le quartier Anglo-saxon Ă Kyriat-Ono, se sont mystĂ©rieusement donnĂ©s rendez-vous dans quelques jours. Jâai compris quâil y en a quelques uns qui y habitent encore mais que la majoritĂ© sâest Ă©parpillĂ©e en IsraĂ«l et mĂȘme Ă lâĂ©tranger, comme moi. Ăa mâa remuĂ© des souvenirs trĂšs anciens. Surtout que jâai passĂ© un petit moment avec Yaki en vidĂ©oconfĂ©rence sur WhatsApp. đ
Il mâa demandĂ© si je pouvais ĂȘtre prĂ©sent par vidĂ©o ce jeudi pour ĂȘtre virtuellement avec les autres. Bien Ă©videmment jâai acquiescĂ© et quelques minutes plus tard je me suis dĂ©jĂ Â trouvĂ© parmi mes nouveaux-anciens camarades dans un groupe WhatsApp. Quelques noms que jâai vu Ă©crits me sont revenus vaguement en mĂ©moire⊠surtout Dani et Micha, dont je me souviens mĂȘme de leur bouille dâenfants. Avec Yaki ce sont les amis que jâai pleurĂ©s en quittant mon pays natal. Jâai mĂȘme Ă©changĂ© quelques phrases avec Micha qui se souvient aussi de notre amitiĂ©. Câest fou quand-mĂȘme⊠aprĂšs 57 ans ! đ„łÂ
Nous Ă©tions encore tout petit quand je suis parti. Quelques souvenirs sont restĂ©s suspendus dans ma mĂ©moire, sous forme dâimages, de film ou de sensations. Je me vois ainsi jouer avec Yaki et sa soeur Judith dans le jardin devant la maison⊠je me souviens du gout amĂšre des olives que jâai goutĂ©es directement de lâarbre⊠de la fratrie entre survivants et du partage simple de ce quâils avaient⊠des feux de camp dans le champ devant la maison oĂč ils faisaient cuire des patates pendant les fĂȘtes⊠de mon Ă©cole maternelle avec la maitresse Yona⊠le chemin de retour vers la maison et une pluie torrentielle qui mâa surpris un jour en plein Ă©té⊠de mon chien et du service dâhygiĂšne qui voulait le tuer parce quâil nâavait pas de collier⊠du livreur de blocs de glace pour le frigo et un autre qui vendait des figues barbaries et des pastĂšques⊠le trajet que je faisais parfois avec ma mĂšre vers son travail et le pain avec les oeufs durs, marrons et huilĂ©s, qui se vendaient dans la rue de Tel Aviv⊠le policier Jacob qui passait Ă cheval et me faisait monter sur la selle devant lui au dĂ©but de la rue pour me dĂ©poser Ă la fin⊠mon ami Jomek qui sâoccupait souvent de moi en lâabsence de mes parents⊠mon pĂšre qui arrive dans sa voiture avec mon premier petit vĂ©lo rouge avec lequel je roulais dans le sable Ă©pais dont Ă©tait faite la rue⊠je me souviens que je me suis perdu toute une journĂ©e et retrouvĂ© par la police Ă la fin de la journĂ©e au milieu dâune forĂȘtâŠÂ de la piscine Ă lâeau salĂ©e au bord de la mer Ă Tel Aviv oĂč jâallais avec mon pĂšre⊠le moment de mon dĂ©part et de ma tristesse⊠et beaucoup plus encore, je me rends compte. Etonnant, compte tenu de mon petit Ăąge. đ
Jâai revu Yaki et Judith beaucoup plus tard, vers mes 18 ans, quand ils sont venus visiter Amsterdam. Plus tard, quand jâai retrouvĂ© mon pĂšre en IsraĂ«l vers mes 23 ans, je les voyais de temps en temps chez eux, ainsi que quelques anciens amis de ma mĂšre, dont leurs parents, qui habitaient encore dans mon vieux quartier. Ma mĂšre venait de mourir et lâami qui sâoccupait de la maison ne voulait plus le faire. Jâai Ă©tĂ© obligĂ© de la vendre⊠quelque chose que je regrette encore aujourdâhui. Mais, je nâavais pas le choix Ă lâĂ©poque⊠JâĂ©tais jeune et ne savais pas comment faire autrement. đÂ
Bon ,câest sympa tout ça. Mais je me demande ce que vient faire cette histoire dans ma vie aujourdâhui. Jâai fait le deuil de mon passĂ©. AprĂšs 3 essais infructueux de retourner au pays, jâai fini par mây faire. Mes visites au cours des annĂ©es ont forgĂ© doucement mon opinion sur cet endroit si magnifique jadis. Aujourdâhui câest pour moi uniquement une terre de violence, de non-respect et de non-tolĂ©rance. Je considĂšre mon peuple comme les plus grands squatteurs du monde, malgrĂ© toutes les justifications habituelles que lâon peut trouver. Aujourdâhui, malgrĂ© tout ce qui se passe, câest la maison de plusieurs peuples qui ne sâentendront peut-ĂȘtre jamaisâŠÂ et une source de haine et de guerre sans fin. đ
Pour moi aucune terre ne vaut la vie dâun homme et je ne comprends pas pourquoi le peuple juif sâacharne autant Ă ĂȘtre Ă un endroit oĂč il nâest pas dĂ©sirĂ©. Bien Ă©videmment, je connais tous les arguments. Jâai frĂ©quentĂ© une Ă©cole juif et mes parents faisaient partie des premier immigrants aprĂšs la guerre. En mĂȘme temps, une petite partie de moi semble rester malgrĂ© tout aussi attachĂ©e Ă mon pays de naissance. Mon cĂŽtĂ© naĂŻf et idĂ©aliste pense mĂȘme parfois, et ça depuis longtemps, pouvoir faire quelque chose pour changer le cours de lâhistoire et des Ă©vĂ©nements. Quelque part je me dis aussi quâil est peut-ĂȘtre logique que jây retourne un jour pour boucler la boucle de ma vie, si vraiment jâai fait le tour de mon histoire et que tous les autres aspects de mon existence sont rĂ©glĂ©s et en ordre. đ€
Alors, que vient faire cette apparition du passĂ© dans ma vie dâaujourdâhui ? Est-ce pour que je rĂ©pare encore des points de douleur liĂ©s Ă mon exode afin dâentrer plus sereinement dans ma nouvelle vie ? Est-ce en effet pour terminer mon Ă©popĂ©e lĂ oĂč je lâai commencĂ©e et ainsi refaire des contacts qui pourraient Ă©ventuellement faciliter mon retour au pays ? Est-ce pour faire davantage la paix avec mon Ă©tat, ma situation et mes choix actuels pour aller de lâavant avec plus de certitude et de courage ? Ou est-ce uniquement pour que je rĂ©flĂ©chisse simplement Ă toutes les options possibles dont je dispose ? Pour lâinstant je ne le sais pas⊠Pour lâinstant je vois simplement des messages WhatsApp passer oĂč des gens que je ne connais pas disent quâils sont contents de se retrouver bientĂŽt. đ
Je sais seulement une ou deux petites choses. Dâabord je sais que pour lâinstant je tisse ici Ă Paris avec ma co-voyageuse et que tout va bien jusque lĂ . Ensuite, je sais quâune vie ancienne est en train de se clĂŽturer et quâune nouvelle sâannonce dĂ©jĂ . Puis, je sais que je suis libre de toute contrainte, ce qui me permet de suivre la Vie lĂ oĂč elle veut que je sois. Je vais donc ĂȘtre trĂšs attentif aux signes. Peut-ĂȘtre mĂȘme plus que dâhabitude. A suivre⊠âïž
DĂ©licieuse journĂ©e Ă tous âđâÂ
Une chanson de mon enfance… version FlashMob. âșïžÂ
Merci pout ton Partage sur ce que tu pense des juifs qui veulent ce territoire dis-tu. Mais historiquement je ne suis pas sûr que les palestiniens soient plus legitimes pour revendiquer ces territoires, peux-tu me dire STP si je me trompe et pourquoi?
Je pense que ce conflit ne pourra etre reglĂ© que si les 2 parties acceptent de vivre ensembles partout, donc si l’amour l’emporte sur le nationalisme et les croyances religieuses.
Est si ta grande famille naissait lĂ -bas et accueuillait les personnes des 2 bords ?
Comme un ilot qui pourrait grandir et s’Ă©tendre a tout le pays et au delĂ ?
Ne serais-tu pas un mediateur providenciel pour aider a apaiser ce foyer de haine, ce que pour l’instant les autochtones sont impuissants a faire
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En ce qui me concerne, tout dĂ©pend Ă quel moment de l’histoire tu te places et de quelle fenĂȘtre tu regardes…
Je partage ton avis et je pense qu’une solution peut ĂȘtre trouvĂ©e uniquement si chacun veut bien oublier le passĂ© et accepter l’Ă©tat de fait…
J’ai pensĂ© Ă la Grande Famille et IsraĂ«l et ta rĂ©flexion m’est trĂšs familiĂšre… đ
J’espĂšre que ma Vie ira dans ce sens…
Je suivrais les signes… âșïž
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Super d’en connaĂźtre un peu plus sur « l’histoire passĂ©e » du Michael d’avant đ
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C’Ă©tait ma toute premiĂšre vie… Et les enfants d’il y a 60 ans sont rĂ©unis en ce moment mĂȘme dans la rue oĂč j’ai vĂ©cu… âșïž
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Je crois qu’on a tous cet attachement Ă l’enfance.
Je m’imagine rĂ©guliĂšrement retourner vivre seul dans le village de mon enfance quand je serai vieux pour y mourir.
Mais au fond de moi quelque chose me pousse Ă avancer, Ă ne pas revenir en arriĂšre.
La difficultĂ© est qu’il est trĂšs facile de se rĂ©fĂ©rer Ă l’enfance par la mĂ©moire tandis que le futur est Ă Ă©crire.
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