Jonathan

Cher Jonathan,

En m’allongeant pour me rendormir, la nuit dernière, je commençais à te parler dans ma tête. Spontanément je t’appelais Jonathan. Je me disais d’abord que j’allais t’écrire tranquillement demain, au lieu de 4 heures du mat. En essayant de retrouver le sommeil je n’ai pas réussi à calmer le flot de paroles qui me traversait, alors j’ai pris mon ordi, ouvert une page vierge de mes bloc-notes virtuel et donc me voilà.

Une des femmes avec qui j’étais il y 30 ans environ était tombée enceinte de moi. A cet époque j’étais très mal dans ma peau et je n’ai pas su l’aimer comme elle en avait besoin. Elle a choisi de ne pas donner suite à la grossesse. Je n’avais pas mon mot à dire dans cette histoire et je n’ai pas pu accueillir l’âme qui venait peut-être à ma rencontre. Elle avait déjà choisi son nom… Jonathan.

Je ne peux pas t’appeler autrement, car c’est venu de l’intérieur. Tu es peut-être à nouveau là ? J’ai fort la sensation que tu t’approches de moi en ce moment, car je pense de plus en plus souvent à l’éventualité de devenir père. Depuis 2, 3 ans j’y pense. Au début c’était seulement une “option”, une possibilité. L’option s’est transformé doucement en envie… qui partait, qui revenait. 

Tu es peut-être la même âme que jadis. Une histoire avortée… non-terminée… un lien retrouvé… car moi, je ne t’ai jamais oublié. J’ose même croire dans ma simple folie intérieur que tu as fais une deuxième tentative pour me rejoindre quand une autre femme est tombée enceinte de moi, quelques années plus tard. Là, j’était pas prêt non plus, il me manquait beaucoup de maturité. Je ne savais pas offrir la sécurité à celle qui te portait et il y a eu une fausse couche.  

Jonathan est le nom que j’aimerais te donner si tu veux bien m’honorer avec ta venue. Il représente pour moi la liberté. Et ceux qui me connaissent bien, savent à quel point la liberté est importante pour moi. Une de mes phrases préférées est qu’aucun oiseau ne vole trop haut s’il vole de ses propres ailes. C’est ainsi que j’aimerais te voir arriver… libre… pour ensuite t’accompagner à voler là où tu choisira, par tes propres ailes. 

J’ai 60 ans… et ça semble un peu tard pour devenir papa, même si biologiquement c’est possible et que d’autres l’ont fait avant moi. En même temps je suis enfin prêt à t’accueillir. Avant, j’étais trop jeune, trop actif, trop instable, pas assez équilibré pour t’accompagner comme un père le doit, comme un papa aimerait le faire. 

Je me suis préparé longtemps pour être avec toi. J’ai toujours voulu être jeune père, mais la vie en a décidé autrement. Peut-être fallait-il que je sois vraiment prêt ? Ca me semble logique… Tellement de parents sont eux-mêmes encore des enfants quand ils sont projetés dans le rôle de parent. Il me fallait bien toutes ces années pour apprendre comment accompagner sans accaparer… comment être “avec” au lieu que “de faire à la place”… comment écouter sans juger, parler sans imposer… comme élever et non pas éduquer… sans tirer, ni pousser… 

Mais surtout, surtout, il me fallait tout ce temps pour devenir Homme moi-même et pour trouver ma propre voie et ma propre puissance. Je pense que c’était important pour moi que je trouve d’abord ça avant de t’accueillir. Sinon, comment avoir le calme pour te faire sentir en sécurité quand tu arrivera ? Comment être à côté de toi face à tes difficultés et questionnements d’enfant ou de jeune adulte ? Comment t’aider à obtenir un capital de courage, d’estime de toi et d’Amour durables dans le temps ? Comment t’accompagner dans ta libération par rapport à ta mère au moment venu ? Dans ton envol ? Dans la réalisation de tes rêves ? Comment te transmettre ce que les pères devraient transmettre à leurs fils… puis te laisser t’envoler, en homme libre face à la destinée de son choix ? 

Ca m’a pris du temps, plus de 40 ans, car je n’avais pas de père ou autre modèle paternel pour m’aider à me construire. Alors, il fallait que je me prépares seul. Certes, avec l’aide des thérapeutes, des guides, des femmes, de mes frères… mais surtout grâce aux nombreuses expériences douloureuses de la vie qui m’ont fait souffrir et qui en même temps m’ont permis de trouver des réponses et des solutions essentielles à ma construction. J’ai appris ainsi par l’expérience comment être tout simplement “Moi”. Je pense que c’est le plus beau patrimoine que je puisse te laisser.

Si tu choisi de m’honorer avec ta venue, je m’engage à prendre soin de moi et vivre aussi longtemps que nécessaire afin de pouvoir marcher à tes côtés aussi longtemps que tu en aura besoin. Je m’engage à être auprès de toi quand tu sera bébé pour des câlins sans fin, des bains à deux, des biberons de jour comme de nuit, de la tendresse partagée, les changement de couches aussi… Je m’engage à être encore en forme quand tu sera jeune enfant ou ado pour pouvoir jouer avec toi ou même faire du sport, sans bien évidemment oublier les câlins et les partages… Je m’engage à être là aussi au moment de ton envol vers TA grande vie… Puis je m’engage à partir seulement quand toi tu sera prêt…

En me relisant et me taisant un peu, j’avais l’impression d’entendre intérieurement ta question : “Mais pourquoi aimerais tu tant que je vienne ???”

J’ai pris un peu de temps pour te répondre. Je cherchais en vain une réponse non égoïste. J’avoue que c’est pour moi que j’aimerais que tu vienne. Non pas pour que tu devienne celui qui accomplira mon rêve à ma place, comme c’est souvent le cas entre parents et enfants. Non, j’ai besoin de toi, car tu fais partie de mon rêve. Je n’ai jamais été père, je n’ai jamais réussi à créer ma petite famille. J’ai besoin de toi pour donner corps à mon rêve. J’ai réussi beaucoup de choses dans ma vie, mais je n’ai pas encore eu le bonheur de voir le miracle de la création à l’oeuvre d’aussi près. 

Je suis aussi préparé à l’éventualité que tu ne viennes pas. C’est ok pour moi, j’ai fait mon deuil de la paternité, il y a bien longtemps déjà… Il est possible que mon rêve et le rêve que la Vie a pour moi ne soient pas les mêmes. J’accueillerais ce qu’il y aura. Il va de soi que si tu choisi de venir me rejoindre que j’ouvrirai mon coeur d’abord à celle que tu choisira pour mère et qui nous choisira peut-être à son tour tous les deux pour cet aventure commune. Et si toutefois tu choisirais de venir sous forme de petite fille, je serais heureux et honoré de la même manière. Je me tairais juste une fois de plus pour pouvoir t’entendre me murmurer le nom avec lequel tu aimerais que je t’appelle. 

💙

9 commentaires sur « Jonathan »

  1. L’enfant est toujours plus grand que ce qui le dépasse. Dans l’invisible, il choisit ses parents, et cherche à les rejoindre pour leur transmettre l’immense part de divinité qui le constitue. Je n’ai aucune gloire à me reconnaître papa de 4 enfants. Je constate qu’ils m’ont appris la réalité, l’incarnation de l’amour inconditionnel. Qu’ils m’ont donné les plus grands bonheurs de ma vie. Mais l’éloignement de mon fils est une blessure ouverte et je travaille à l’accepter pour arrêter la souffrance que je m’inflige là.
    Ô Michaël, écoute, trouve le temps d’écouter le chant des enfants qui jouent. Ils sont source de joie et leurs rires coulent comme fontaine de générosité. En eux résident les ambassadeurs des enfants à venir, le tien peut-être ? C’est en m’ouvrant à leur vie que j’éclaire la mienne. C’est en acceptant leur divinité que je grandis également.
    Car l’enfant est toujours plus grand que ce qui le dépasse !

    Aimé par 2 personnes

  2. ton texte est touchant Michael…tu seras un bon papa, un heureux papa…Je te souhaite du fond du cœur de connaître cette joie…
    Je t’embrasse

    Aimé par 1 personne

  3. C’est extrêmement touchant.
    Et une chance pour les hommes de ne pas avoir de limites concernant la procréation.
    Sinon je me sentirais prête aussi.
    Je te souhaite de devenir père du fond du cœur si c’est aussi ce que la vie veut pour toi Michael
    Christine
    🐣🐣

    Aimé par 1 personne

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