Sage ou pas sage

Modi’in, Israël 🇮🇱 

Je suis assis dans le train de 6 heures 18. J’aime venir un peu en avance et m’installer dans cette machine chaude et ronronnante qui attend patiemment le moment exact pour partir vers Tel Aviv. Bientôt, je vais avoir un tout nouveau rythme et je commence déjà à m’y adapter un peu. Avec quatre heures de cours d’hébreu qui m’attendent chaque matin et la pratique que je vais avoir au travail, je vais pouvoir me permettre de faire autre chose que Duolingo pendant les trajets. 

Alors, assis confortablement dans un des wagons, je me fonds dans la masse en me penchant comme un vrai israélien sur mon portable afin de tapoter mon article avec mes deux pouces… qui sont les membres de notre corps certainement les plus sollicitées de notre époque. Je commence maintenant à écrire pendant le trajet du matin, je termine sur le trajet du retour et je fignole l’ensemble sur mon ordinateur, juste avant de me coucher le soir. Puis, quand je marche, j’écoute des mots en français avec leur traduction en hébreu défiler dans mon oreillette. Ainsi, chaque instant est efficacement utilisé. 

Quand je suis à mon poste devant la porte je ne peux plus utiliser mon téléphone. Sauf pour regarder l’heure de temps en temps, bien évidemment. D’ailleurs, c’est assez troublant car j’aime bien ce que je fais et jusque là j’ai vraiment fait de mon mieux comme un bon petit soldat. Depuis que j’ai compris que je suis censé adopter à nouveau une attitude plus cool, je prends conscience à quel point l’hôtel demande le maximum… mais donne en fait le minimum. Ça me mets dans une position assez bizarre et contradictoire. Certes, je suis plein de gratitude pour l’opportunité de vivre pleinement dans mon pays d’origine. Mais, vais-je pour autant totalement accepter ma situation sans broncher, ou est-ce que je vais comme d’habitude ouvrir ma grande gueule. 

En fait, j’avoue que ça a déjà commencé. Entre collègues nous parlons de notre situation et bien évidemment c’était déjà ainsi, bien avant mon arrivée. Je pense même que ça a toujours été comme ça. Quand un cadre me demande si je me plais dans mon travail, je ne me gêne aucunement pour donner mon avis plus-que-sincère. Ça me fait penser un peu à l’époque où j’étais officier dans l’armée où j’ai pu, grâce à ma bonne réputation, dire ce que je pensais vraiment. Je prends à nouveau des risques si je me positionne trop en rebelle chez mon nouvel employeur… et cela déjà en exposant tout simplement ce que je vis dans mon blog. Mais, je n’ai pas la sensation d’avoir le choix. C’est comme si ça faisait partie de ce que j’ai à faire et de qui je suis en ce moment.  

J’ai toujours été un fauteur de trouble, ou, comme on dit en bon français, un fouteur de merde. Quand quelque chose ne tourne pas rond quelque part et que je me sens concerné, un moment où un autre je me fais entendre. Et là, ça recommence. Cette inégalité, entre la masse qui travaille le plus et qui est la moins rémunérée, puis ceux qui récoltent les pépettes, est énorme à mes yeux. Ces derniers s’intéressent de mon point de vue uniquement au profit et semblent peu s’intéresser à leur personnel. C’est dans ce monde là, où la dualité de notre monde s’exprime peut-être le plus fort. 

Dans une organisation pyramidale comme nous voyons un peu partout, les responsabilités sont déléguées de niveau en niveau jusqu’aux managers des équipes de travailleurs, qui eux mettent réellement les mains à la pâte. Ainsi, nous trouvons pleins de “petits” managers qui se décarcassent pour quelques roupies de plus et obéissent à leur hiérarchie afin de faire atteindre des objectifs à leur équipe. Un “grand” manager fait pareil, mais avec classe, tact et diplomatie. Un leader, par contre, s’occupe et se préoccupe avant-tout de la qualité de vie des membres de son équipe… qui se donnent par la suite totalement, volontairement et à cœur joie pour une mission commune. 

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Le problème est qu’un leader ne cherche pas à être le chef. C’est pour ça que c’est un leader. Il a transcendé sa blessure de trahison et n’a plus besoin de contrôler, d’obéir, de manipuler ou de séduire. Il met automatiquement ses aptitudes de meneur d’hommes au service de la Vie. Généralement ils apparaissent comme par magie en temps de crise. Pensez à Churchill, Schindler, Golda Meir… C’est pour cette raison que nous ne trouvons quasiment pas de vrais leaders sur des postes de management. Certes, le terme “leader” est malgré tout utilisé… et à tort dans la majeure partie du temps, à mon avis. Les gens parlent de leadership sans savoir de quoi il s’agit vraiment. 

J’avoue que je me sens plutôt comme un leader et cela depuis un certain temps déjà. Je me suis vu passer d’étape en étape pour transcender mes blessures. J’ai vu mes aptitudes changer. J’ai vu mon désir d’être le chef progressivement diminuer et disparaitre. Moins j’ai de responsabilités maintenant, mieux je me porte. Tout ça semble un peu ambiguë, car même si je n’ai plus aucune envie d’être le meneur quelque part… je sais et je sens que je suis fait pour ça. Dans mon rôle de Doorman, je vois tout. Ce qui va, comme ce qui ne va pas. Si je vis entièrement mon rôle, je me tais et je laisse tout le monde tranquille. 

Je me vois tantôt me fondre en toute simplicité dans mon rôle… et tantôt créer par-ci et par-là en douceur une ambiance de révolte dans l’équipe. Je ne sais pas où je vais. Je cherche juste à être fidèle à mes profondeurs. Je fais de mon mieux sur tous les plans et je m’observe en même temps. Je suis curieux de voir comment la situation va évoluer… ou pas ! Bien évidemment, je vous tiens au courant…


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5 commentaires sur « Sage ou pas sage »

  1. Toda raba Michel pour ce retour sue ta vie en Israël.
    Ce n’est pas facile de rentrer chez soi parfois.
    J’ai bien aimé la partie descriptive du début dans le train où tu te laisses porter tout en apprenant l’hébreu.

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  2. « Un leader s’occupe et se préoccupe avant-tout de la qualité de vie des membres de son équipe… qui se donnent par la suite totalement, volontairement et à cœur joie pour une mission commune. »
    Comme le sont les Maîtres… dissimulés…

    Aimé par 1 personne

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